mardi 21 décembre 2010

L’art de négocier son taxi

En effet, au Mexique négocier son taxi c’est un art. Mais sachez dès le départ que si vous avez les yeux verts, les cheveux châtains et la peau blanche vous partez avec un sérieux handicap. C’est d’ailleurs pour cela que  je laisse généralement cette lourde tâche à mes amis mexicains déjà bien aguerris à l’exercice.

Seulement, hier à l’aéroport (nouvel handicap) à l’annonce que James arriverait le lendemain à 15 heures et que les bus avaient d’ores et déjà arrêtés de circuler, j’ai bien dû mettre la main à la pâte. Alors que je cherchais un taxi pas trop cher à l’intérieur de l’aéroport, une femme d’une quarantaine d’année m’invite à partager un taxi à deux rues de là, où ils seraient moins chers. Soit, allons-y ! Guadalajara ne connaît pas de problèmes de sécurité avec ses taxis de nuit comme ils en existeraient dans la capitale.

J’interpelle un taxi et entame la négociation en utilisant le maximum d’expressions mexicaines et en tentant de cacher au mieux mon accent. M’en sortant plutôt bien, j’arrive à le négocier à moins de la moitié du prix proposé à l’intérieur de l’aéroport. Euphorique, j’invite les personnes qui empruntent le même chemin à monter à bord afin de partager les frais. Seul la femme qui m’a auparavant filé le tuyau de l’endroit des taxis grimpe.

A l’intérieur du taxi, l’organisation dont j’ai fais preuve m’impressionne et me fais relativiser le fait d’être venu à l’aéroport pour apprendre que James arrivera avec 19 heures de retard. Quand brusquement, ma nouvelle compadre d’infortune demande au chauffeur de s’arrêter, descend et pars sans payer en lançant un « ¡ Gracias compañero ! » et le taxi repart comme si de rien n’était…

Si négocier avec le chauffeur me paraissait évident, le faire avec les passagers ne m’avait pas traversé l’esprit. En y réfléchissant plus tard, je me suis dis ça pouvait être vu comme un échange de bons procédés : Le bon coin pour choper le taxi contre une course gratuite… Quoiqu’il en soit, force est d’admettre que si Petit Scarabée a certes déjà bien grandi, beaucoup à apprendre il lui reste…

Enfin, ne portez pas trop d’espérance sur le fait que je suive ce rythme démoniaque de trois articles sur deux jours car il est fort probable que le temps ne me manque ces prochains mois. Les vacances jusqu’en février m’offrant de belles perspectives de voyages que je ne manquerai pas de vous conter à mon retour.

Non, n’y allez surtout pas ! Là-bas, on vous enlève, on vous tue et on vous coupe en morceaux !

Bien sûr le titre est caricatural, mais c’est grosso modo ce que nous a dit au camarade Martín et à moi quand nous avons annoncé notre projet de voyage dans l’Etat de Chihuahua, Etat réputé comme le plus dangereux du Mexique. Toutefois, aucun enquiquinement sur le chemin, au contraire bien plus tranquille que Guadalajara, gens très sympathiques, curieux et fortement préoccupés par l’image que la presse leur renvoie, le secteur touristique en a d’ailleurs pas mal pâti…

L’avantage de se déplacer en bicyclette à El Fuerte, c’est qu’on a la route pour nous tout seul, et puis surtout ca permet de faire des rencontres surprenantes : Tout d’abord, Don Juan, le gardien du site archéologique du Cerro de la Mascarra. Haut de ses 85 balais, le viejito n’en manque pas une pour bavarder, passez une heure avec lui et vous serez tout de sa vie, de la demande à mariage à la famille de sa femme aux personnes qui ont foulé ce sol avant vous et qu’il fait soigneusement signer dans son livre d’or.
Certes, mais en vélo par 27°C vous mourrez de soif (oui je sais petits français enneigés c’est difficile à croire mais c’est dame bien vrai), c’est en effet un inconvénient, mais là aussi la soif rapproche les gens : On se prend à demander au responsable du barrage un peu d’eau, celui-ci vous offre deux bières bien fraîches. Bonhomme sympathique, on se rend tout de même vite compte qu’il en train de prendre sa cuite avec le policier du coin à 5 heures de l’après-midi. Nous y sommes évidement vivement convié mais le retour est long et nous déclinons l’invitation.

Le lendemain, après une bonne nuit de sommeil et quelques courbatures au fessier, on se met à attendre le bus qui doit nous mener à la gare. Mais bon, comme vous le savez les bus au Mexique, c’est pas trop ça… Heureusement, un sympathique autochtone se propose de nous montrer l’arrêt et le bus. Va savoir s’il était complètement bigleux ou s’il avait la tension faible, toujours est-il qu’il ne nous l’a indiqué qu’une fois que celui-ci soit passé. Et nous voilà à trois (Martín, moi et Valentina, une italienne entamant le tour du Mexique rencontré à l’arrêt) à courir après le bus en empruntant différents raccourcis que les passants nous donnent. Entendant la conversion, un vieux couple nous interpelle et nous invite à monter dans sa voiture pour rattraper le bus. Imaginez-vous trois personnes essayant vainement de se caser sur la banquette arrière chacun avec son gros sac à dos de randonneur. Cinq ruelles plus loin, notre sauveur providentiel rattrapera finalement le bus qu’il arrêtera à grand coup de klaxons. Sauvés !

Une fois à la gare, on attend le train, ça peut paraître anodin mais la patience est la clé maitresse du Mexique, du même genre que le ahorita si vous voyez ce que je veux dire… (faudrait vraiment que je fasse un article sur la notion du temps au Mexique). Pour en revenir au train celui-ci arrivera avec 45 minutes de retard mais rien d’anormal on raconte qu’il n’a jamais réussi à arriver à l’heure prévu à Chihuahua, sa destination finale. On l’excusera rapidement tant la beauté des paysages qu’il traverse est époustouflante, on est ici en plein milieu du Cañon de Cobre (Canyon de Cuivre). Après les séances photos, les jeux de société et les discussions multi-linguistiques (oui oui ça existe, par exemple on vous parle en italien, vous répondez en espagnol et si vous vous comprenez pas vous passez par l'anglais et le français) on arrive à Creel, petite bourgade de 11 000 habitants où Jorge, couchsurfer aguerri nous héberge tous les trois.

Enfin, dernier jour de notre escapade on reprend la bicyclette et on repart pour un tour dans le cañon, avec des paysages toujours aussi beaux. Lors d’une halte et seuls dans la plaine, personne n’ose braver le silence sinon le vent et le train dans le lointain.


Don Juan et son livre d'or dont il est très fier





















 












Martín y Valentina







Les Raramuris, principale communauté indigène de la région





















lundi 20 décembre 2010

Fête de Village et Sierra de Quila

J’ai profité le temps d’un week-end pour échapper à la grande ville et me mêler à la plèbe afin de voir ce qu’il en était du monde rural mexicain. Direction San Martín de Hidalgo où une fête de village bat son plein depuis déjà une semaine.

Petite parenthèse au passage, j’ai bien essayé de savoir ce qu’on fêtait exactement sans pour autant avoir une réponse correcte qui tient la route. Mais partez du principe que pour un Mexicain, n’importe quel prétexte est bon pour boire un coup et faire la fête : Cela va de la naissance du dernier petit cousin au jour de l’indépendance, sans oublier les posadas (grandes fêtes dans lesquels on brise la piñata) qu’on commence dès la fin novembre alors que la date de lancement est le 12 décembre, jour de l’apparition de la virgen de Guadalupe.

Pour en revenir à la fête du village, si on excepte les attractions foraines et autres chingaderas gringas (cf dialecte mexicain ;) ) qui ont colonisé le village, on y trouve un parfait spécimens autochtone quasi fidèles au cliché qu’on a des mexicains : Le ranchero. Droit comme un « i », la chemise à carreaux bien ajustée afin de faire ressortir sa ceinture, le pantalon tombant parfaitement sur le haut de ses bottes en cuir à talons (comprenez, le mexicain n’est pas bien grand). Sans oublier bien sûr la moustache et le sombrero et vous avez ici le typique danseur de banda.


Reste à définir la banda… Décrivons-la comme un chant populaire très rural de pauvres hommes qui chantent leurs amours déchus. Un peu dans la même trempe que notre Joe Dassin national qui s’en va siffler sur la colline, quoique l’air et le ton reste relativement différent : Trompettes, guitares et accordéons vous lancent dans un rythme entraînant même si la danse devient rapidement lassante. Le couple, bien serré, la jambe droite de la femme entre celle de l’homme, ne fait plus qu’un et se met sautiller un peu partout, je sais ça peut paraitre bizarre mais voyez par vous-même ci-dessous…

Alors évidement ça fait rire tellement ça fait cliché mais crois moi l’ami après une nuit de banda, on en a rapidement ras-la-casquette, surtout quand les groupes s’amusent à jouer juste en dessous de la fenêtre à 6 heures du mat. Histoire de réveiller les gens de leur Guelle de bois qui n’ont plus qu’à aller manger épicé. Et oui, à ce qu’il parait, manger piquant soigne les lendemains de fêtes difficile. Personnellement, cette méthode m’apparait tellement radicale que je ne me demande si je ne préfère pas ne pas me guérir.

Quant à la Sierra de Quila, zone montagneuse, s’il me fallait résumer ma pensée, je la tirerais de mon Moleskine, ce petit carnet bien ancré dans la poche arrière droite de mon pantalon : « A l’arrière du Pick-up, le froid me mordant le visage, le dos secoué par la route cabossée, le fessier chauffé par le moteur dans la Sierra de Quila, ça doit être ça le bonheur ».