dimanche 20 février 2011

La fuente, LA cantina de Guadalajara



Alors oui, je sais ce que vous allez me dire : « encore un bar, il ne fait que boire des coups toute l’année et nous recense tous les endroits où il les a pris, sans parler de la ville de Tequila ». Certes, mais croyez-moi, la Fuente est bien plus que ça : elle respire la culture des quinquagénaires mexicains célibataires et est par conséquent une source d’intérêt sociologique importante.

Déjà rien que le fait de trouver le lieu en soit est fait pour tromper les non-habitués : Son entrée ressemble à une grande porte de garage avec pour seule cloison un mur en bois pour cacher l’endroit des regards indiscrets. Des plafonds de cinq mètres, de grands arcs, des tables et des chaises en bois et en fer forgées et différents tableaux accrochés aux parois à la peinture défraîchie nous mettent dans le bain. Seules les télévisions, qui servent exclusivement à la transmission des matchs de football paraissent anachroniques.

Les habitués sont déjà là évidemment : ils ont installé leur QG juste entre le bar et le piano où ils sirotent tranquillement leur tequila, l’avaler d’un coup étant impossible par la taille du verre. Parmi ces nobles gens, la plupart des hommes mûrs, il en existe un qui ne s’assoie quasiment jamais : C’est le guide l’institut culturel de l’Hospicio Cabañas, le costume bien ajusté, le bouc taillé et les cheveux plaqués sur le côté gauche de son crâne par sa gomina reluisante, le bonhomme est debout accoudé à la rambarde de l’estrade du piano, en plein milieu de la cantina chantant à tue-tête au rythme du piano des chansons d’amours perdus (« ¡ Jamás ! ¡Nunca Jamás ! »).

Selon le jour où vous tombez, le piano sera accompagné soit d’un violon, soit d’une trompette, soit par une grosse diva trop maquillée (la perle rare). Vous pouvez également vous prêter à l’exercice du chant si vous le souhaitez. Et si le registre musical ne vous convient pas, le pianiste pourra toujours vous faire grâce de votre chanson favorite en échange d’une modeste pièce. N’hésitez pas, la gamme est large : elle va de Michelle des Beatles à La vie en Rose.

L’autre institution dans l’institution c’est bien sûr le serveur. Les cheveux tirés en arrière, le visage bourru, la traditionnelle moustache, il est un général peu causant et encore moins aimable : Il vous passera la commande d’un simple signe de tête et si jamais vous avez le malheur de demander ce qui coule à flot à La Fuente (La Source en espagnol) vous n’aurez le droit qu’à un ton plus sec. Mais rassurez-vous, quand il vous reverra revenir après un mois d’absence, peut-être parviendrez-vous à lui arracher un sourire.

Et cette bicyclette accrochée juste au-dessus du bar me dites-vous ? Une dette non payée. Du moins si l’on en croit la légende. On raconte qu’un client régulier à l’ardoise bien remplie se serait fait refuser de se faire servir (encore l’antipathie du serveur sans doute). A force d’insister il aurait laissé en gage de garantie son vélo pour boire sa Corona. Va savoir ce qu’il en est advenu du bonhomme toujours est-il que si l’on en juge à la présence de la bicyclette, la dette court toujours…